Histoire

Le vieil homme

Alter_Mann_SW_267x300

Un matin sur son chemin quotidien pour se rendre à son travail, Ole remarque un vieil homme assis sur un banc ensoleillé. A ses côtés trônait son déambulateur. Chaque matin durant deux semaines, il était assis là, lisant parfois le journal. Il est toujours d’un chic et d’une élégance irréprochables.

Ce vieil homme, c’est Thorkild, un gentlemen de 97 ans résidant d’un home. Il a changé la vie de Ole mais également la sienne et celle de nombreuses personnes âgées dans le monde.

Le vélo comme moyen de transport

Screenshot-2014-09-28-09.29.43-1024x572

 

En feuilletant des photographies du Copenhague des années 30, Ole a réalisé que Thorkild s’était mû dans un joyeux enfer cyclopédique qu’il avait dû grandement apprécier tout comme lui-même l’aimait aujourd’hui.

Dans des villes telles que Los Angeles, Rome, Tokyo ou Sydney, le vélo a été pour deux tiers de la population et pour plusieurs générations LE moyen de transport par excellence. Ainsi une grande partie êtres humains des générations précédentes a grandi avec le vélo. De plus, en ce temps là, faire 25 km ou plus pour se rendre à son travail était presque normal. En effet, dans les années d’après-guerre, le vélo était le moyen de transport le meilleur marché, le plus accessible et le plus attractif pour se déplacer.

Dans les années 50 et 60, la voiture a gentiment mais sûrement pris le pas sur le vélo. A la fin des années 70 et au début des années 80, le vélo a été remis au goût du jour dans quelques villes, comme par exemple à Copenhague où il est maintenant le mode de transport le plus utilisé.

Vieillir

En prenant de l’âge, il devient plus difficile de faire du vélo en raison de sa motricité et de son attention. La plupart des personnes ne font plus de vélo vers l’âge de 70 ans. Ole a entendu plusieurs personnes âgées lui raconter combien il était douloureux pour elles de devoir laisser tomber le vélo en raison de leur peur de se blesser. Les récits nostalgiques faisaient état du plaisir, de la liberté et de la mobilité indivuduelle.

Une idée folle

578625_422801367810144_954382336_n 2

Toutes ces éléments ont travaillé Ole : Ce vieil homme, Thorkild, a qui le vélo manque tant, pourrait être lui. Ole s’est donc demandé comment permettre à Thorkild de remonter sur une bicyclette. C’était une idée obsessionnelle qui lui trottait sans arrêt dans la tête. Ainsi, un matin d’août 2013, Ole s’est présenté devant le home avec un triporteur qu’il avait loué. A ce moment là, Ole réalise que son idée est vraiment folle et qu’il va certainement se faire éconduire par les responsables du home. Malgré tout, ce fut un essai fructueux.

Lorsqu’il est arrivé au home, une aimable infirmière est venue à sa rencontre. Il lui explique qu’il habite dans le quartier et souhaite emmener en promenade deux résidents sur son triporteur.

Cela aurait pu être la fin de l’histoire mais l’infirmière lui dit qu’elle trouve l’idée bonne et lui demande de patienter quelques minutes. Elle disparaît à la cafétéria et revient deux minutes plus tard avec une vieille dame au bras en lui précisant que Gertrud et elle vienne volontiers faire un tour en ville à bord du triporteur.

Lorsqu’elles eurent pris place à l’avant du triporteur, Ole demanda à Gertrud où elle désirait se rendre. Elle répondit du tac au tac qu’elle désirait aller sur la promenade du port (Langelinie), où tous les copenhagois se rendaient pour l’excursion dominicale, pour manger une glace et se promener le long de la jetée.

Durant l’excursion, Ole appris que Gertrud avait un lien particulier avec ce port. Elle lui raconta qu’après la guerre elle vécut plusieurs années au Groenland et qu’elle avait souvent emmené ses enfants dans ce lieu, car les bateaux arrivant du Groenland appareillaient dans ce port. Elle lui expliqua avec beaucoup d’enthousiasme que l’on pouvait sentir le goudron, entendre les mouettes et sentir la dynamique des être humains en mouvement.

La promenade dura environ une heure. Lorsqu’Ole fut de retour au home avec les deux femmes, il avait noué un lien fort avec cette mystérieuse Gertrud. Elle lui avait offert un voyage dans le temps.

La suite

Le jour suivant Ole reçut un appel de la directrice du home. Elle désire savoir ce qu’il a fait avec Gertrud. En fait, tous les pensionnaires désirent soudain faire une excursion en triporteur. Ole se dit que l’expérience a dû profondément bouleverser Gertrud.

Ainsi Ole loue a plusieurs reprises le triporteur et fait, sur son temps libre, des excursions avec les pensionnaires du home. Cela leur offre une mobilité nouvelle et Ole perçoit sa ville d’un œil nouveau et émerveillé. De plus, de nouvelles amitiés extraordinaires et intergénérationnelles se nouent. Ole se sent comme un chercheur en terres inconnues.

Revenons maintenant à Thorkild, le gentleman de 97 ans : Ole l’emmène un jour en excursion. En traversant un parc, Thorkild s’exclama soudain « J’ai habité là ! » en montrant les logements de garnison du château de Rosenborg. Ainsi Ole apprit qu’en 1938, il y a 76 ans, Thorkild avait été, durant 18 mois, garde du roi. Thorkild raconta qu’il avait tenu une lingerie durant 25 ans dans le centre de Copenhague et expliqua comment il s’y prenait pour estimer la taille de la poitrine d’une femme. Ole comprit alors qu’il avait encore beaucoup de choses à apprendre de la vie.

La ville de Copenhague

Ole décida que toutes ses aventures étaient trop belles pour ne pas être partagées avec d’autres personnes. Il écrivit donc à la ville de Copenhague pour expliquer ce qu’il avait fait et savoir si la ville serait intéressée à soutenir l’achat d’un triporteur pour le home (les homes danois sont des institutions publiques).

A sa plus grande surprise, il reçut, quelques semaines plus tard, une réponse enthousiasmée d’une femme prénomée Dorthe. Elle lui apprit qu’elle recherchait exactement ce type d’action citoyenne. Elle souhaitait donc soutenir le projet et lui demandait si l’achat de cinq triporteurs – un par home – au lieu d’un seul pourrait aussi l’intéresser.

Ole et Dorthe organisèrent une parade avec les cinq triporteurs à travers la ville. Plus de 100 personnes participèrent à la manifestation et suivirent sur leur propre vélo les cinq triporteurs et leurs dix passagers. Deux télévisions et plusieurs journaux nationaux relayèrent l’événement. Soudain, Ole se retrouva avec 30 volontaires désirant accompagner régulièrement les pensionnaires de homes en excursion.

Ainsi A vélo sans âge était né.

Un effet incroyable

A Vélo sans âge s’est rapidement fait connaître et développé dans d’autres villes du Danemark et de Norvège. Les feedback des homes étaient formidables :

  • Quelques pensionnaires de homes ont retrouvé l’usage de la parole.
  • Des personnes démentes ont cessé leur comportement agressif et sont revenues joyeuses des excursions en triporteur.
  • Les pensionnaires malvoyants expliquent aux bénévoles que lors des excursions en triporteur, leur sens sont en ébullition : les fleurs distillent leur parfum, le gazouillis des oiseaux est perceptible et dans ses cheveux ont ressens le vent.

Dès lors Ole n’a qu’une idée en tête : « Nous défendons le droit des personnes âgées d’avoir, elles aussi, du vent dans les cheveux ».

Perte des témoins oculaires

Lors de l’avancée en âge, nous perdons les témoins de notre histoire et de notre vie. Supposez que personne n’a vécu ce que vous vivez actuellement. Supposez que personne n’est là pour accueillir vos rires et vos larmes. Supposez que votre histoire s’éteindra bientôt avec votre disparition.

Ce qui étonne le plus Ole c’est possible d’avoir un effet profond et positif sur la qualité de vie des humains avec une banale excursion à vélo. Cela ne vaut pas uniquement pour les personnes âgées qui ont ainsi la possibilité de briser leur isolement social. Mais également pour les bénévoles qui ont la joie d’offrir aux autres et à eux-mêmes quelque chose de sain.

Cette expérience n’attire pas seulement les bénévoles classiques. A Vélo sans âge, le travail bénévole est peu conventionnel. Il s’oriente plus vers une citoyenneté active. Une citoyenneté qui s’engage, dans la durée, à prendre en considération et à offrir l’opportunité de faire la différence pour quelqu’un. Le but est de contribuer à la construction d’amitié et de liens entre les humains.

Roberto, pilote de triporteur, est un gentleman dans la soixantaine d’origine italienne qui a reçu une ordonnance incluant A Vélo sans âge. Son médecin lui a expliqué qu’il devait perdre du poids et pour cela il devait faire plus d’activité physique. Il lui a prescrit de participer aux activités d’A Vélo sans âge.

Amitiés

Un jeune volontaire a trouvé de nouveaux grands-parents en promenant un couple à l’occasion de leurs septante ans de mariage. Ils n’avaient pas prévu que leur tour de ville dure si long. Ils se sont laissés guider par leurs envies et la joie qui les animait.

Ole est toujours étonné par les histoires et expériences enrichissantes qu’il reçoit des bénévoles oeuvrant au sein des plus de 111 homes participant au mouvement. Apprendre que des personnes en chaise roulante pensant ne plus jamais pouvoir faire de vélo reviennent en souriant et en chantant d’une excursion en triporteur, avec une foule d’histoires à raconter et un nouvel appétit pour la vie le rende heureux. Ces effets positifs maintiennent l’enthousiasme de Ole intact et lui permettent de se lever chaque matin.

L’anniversaire de Thorkild

10672369_690305341059744_4326340362887308494_n 2

Ole et Thorkild célèbrent leur nouvelle amitié en trinquant avec un bon verre de vin à l’occasion des 97 ans de Thorkild. Pour fêter cet événement, le serveur est venu avec deux verres de vin particuliers.

L’aventure d’A Vélo sans âge a appris à Ole que la vie peut et devrait être belle même lorsqu’on va sur ses 100 ans. La vie dans un home doit et peut être un lieu d’amitié et de mobilité.

Vous aussi vous pouvez offrir un voyage dans le temps lors d’un tour de ville ou du village à l’un de vos proches, un voisin ou un inconnu séjournant dans un home. Vous contribuerez ainsi à créer des ponts intergénérationnels, permettrez une meilleure qualité de vie et à de belles amitiés de se nouer.